Dans la capitale du Burkina Faso, les voies sont devenues pratiquement impraticables dans les quartiers. Cela est dû aux eaux usées qui sont déversées sur les routes par les ménages. Malgré l’interdiction, cette pratique est monnaie courante dans la ville. Dans la période du 20 au 24 mars 2023, RDI est allée dans certains quartiers de Ouagadougou pour comprendre pourquoi la pratique perdure.
Des eaux stagnantes et boueuses, des trous remplis d’eau, et des déchets, C’est le constat que l’on fait sur les voies dans plusieurs quartiers de la ville de Ouagadougou. Ce phénomène est la conséquence des eaux de ménages qui y sont régulièrement versées. Cette pratique est pourtant interdite par la loi. (dispositions réglementaires 2021/170/RG/CO portant fixation des amendes relatives aux atteintes et à la salubrité dans la ville de Ouagadougou, l’arrêté 2008/150/CO portant interdiction de déverser des eaux usées dans la ville de Ouagadougou et l’arrêté N°97/027/MATDS/PKAD/CO/ prescrivant l’hygiène et la salubrité dans la ville de Ouagadougou). En dépit de l’interdiction, la pratique peine à prendre fin.
Moumouni Kouanda est chef de famille au quartier Zogona. Chez lui, une bonne partie des eaux est déversée sur la voie. Il justifie cela en évoquant les insuffisances du dispositif de stockage des eaux usées. « Nous avons une fosse dans laquelle nous déversons nos eaux de ménage. Mais elle ne peut pas prendre une grande quantité d’eau. Quand elle est pleine nous déversons le reste sur la voie» a-t-il déclaré. M. Kouanda dit avoir connaissance de l’interdiction de la pratique, mais explique qu’il n’a pas le choix.
Le même constat est fait au quartier 1200 logements. Jean-Baptiste Dembélé est gérant de kiosque. Cette activité nécessite l’utilisation d’une grande quantité d’eaux notamment dans la vaisselle. Pour se débarrasser de ses eaux usées, il déverse sur la voie qui fait face à son kiosque. « Les lotissement ont été faits sans tenir compte des caniveaux. Nous ne disposons pas non plus de fausses pour conserver les eaux. C’est ce qui nous oblige à déverser les eaux sur la voie » s’est-t-il expliqué. M. Dembélé exhorte les autorités à s’inspirer de l’exemple du Ghana qui dispose de caniveaux dans les 6 mètres. « Au Ghana, dans chaque 6 mètres, il y a des caniveaux. Mais ce n’est pas le cas au Burkina Faso » a-t-il regretté.
Nous avons rencontré une habitante au quartier Zone d’activités diverses (ZAD) qui a préféré garder l’anonymat. Visiblement, elle a l’air en colère et très remontée contre les autorités. Elle exprime sa colère en ces termes : « Il n’y a pas de caniveaux ici pour l’évacuation des eaux. Où voulez-vous qu’on verse les eaux ? On va bien les verser sur la voie ».
En vue de dissuader les contrevenants, les autorités ont instauré des amendes allant de 24 000 FCFA à 50 000 FCFA. La direction de la police de la salubrité et de la tranquillité urbaine est l’instance chargée du maintien de la propreté de la ville. Pour son directeur l’inspecteur Alidou Tinto, cette pratique est source de nombreuses maladies pour la population. « L’interdiction vise à préserver la santé de la population et de l’environnement » a-t-il affirmé. « Ce déversement peut causer des maladies hydriques et diarrhéiques et aussi le paludisme » a-t-il poursuivi.
En plus des sanctions, des actions de sensibilisations de la population sur les bonnes pratiques sont également organisées à l’endroit de la population. Pour l’inspecteur, les ménages devraient construire des aménagements en vue de retenir ces eaux usées. L’argument de la pauvreté qu’évoquent les ménages ne peut pas constituer une justification de son point de vue. « Si vous avez les moyens de vous construire un bâtiment, vous n’en manquerez pas certainement pour construire les aménagements en vue de retenir les eaux usées (qui sont moins chers par rapport aux bâtiments) », a-t-il conclu.
Malgré l’interdiction et les sensibilisations, cette pratique a la peau dure au sein des habitants de la capitale. La population de son côté sollicite des caniveaux mais aussi un maintien régulier des voies dégradées par ces eaux usées.
Job Lankoandé (stagiaire)