Dans la capitale du Burkina Faso, il existe des passerelles dans certains endroits à forte fréquentation. Celles-ci permettent aux piétons de traverser les avenues plus facilement et en toute sécurité. Cependant il est rare de voir les populations les emprunter. Ces dernières préfèrent traverser les voies malgré les dangers. RDI s’est rendu ce 20 mars 2023 dans quelques endroits en vue de comprendre les raisons de la non-adoption de cette infrastructure.
Nous sommes au rond-point du centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo. Il est 8h, heure de pointe. On constate un embouteillage et des passagers peinent à traverser la voie. Juste à côté, une passerelle piétonne est construite. Mais cette infrastructure est ignorée par les usagers, préférant traverser la voie malgré les risques. Un homme qui a accompagné un patient s’est confié, mais a préféré garder l’anonymat. « Je ne peux pas prendre la passerelle parce que je suis pressé. C’est très fatigant de monter, de descendre et de remonter » a-t-il déclaré. Pour lui, on gagne plus du temps en traversant la voie.
C’est également l’avis de Mamoudou Yaméogo, vendeur d’articles au bord de la voie du centre de santé. Son activité exige de passer régulièrement d’un côté à un autre de la voie. Mais il a décidé de ne pas prendre la passerelle. «Nous ne pouvons pas prendre cette passerelle, nous qui sommes un peu âgés. Même étant bien portant, tu serais hospitalisé si tu prends deux ou trois fois la passerelle » s’est-t-il indigné. En lieu et place des passerelles « Nous voulons juste qu’on y mette des feux tricolores pour nous permettre de passer plus facilement » a-t-il proposé.
C’est le même constat que l’on fait au centre hospitalier universitaire pédiatrique Charles De Gaulle. Nassouri Yonli et son ami font partie des rares personnes à avoir emprunté la passerelle. Ils disent avoir fait ce choix pour préserver leur sécurité. « Sur la route il y a beaucoup d’engins qui passent. J’ai préféré donc prendre la passerelle pour traverser en toute sécurité et aussi pour gagner en temps». a affirmé Nassouri Yonli.
En plus d’être moins fréquentées, ces passerelles sont devenues le lieu de dépôt de tous les déchets (matières fécales et plastiques). On y trouve des excréments dispersés dans tous les sens et qui dégagent une odeur nauséabonde. En empruntant la passerelle, Nassouri Yonli et son ami ne s’attendaient pas à être désagréablement surpris par l’état de la passerelle. À la découverte de l’état de la passerelle, il s’indigne. «C’est vraiment honteux. Nous avons réclamé des infrastructures, maintenant que nous en avons eu, nous les transformons en toilettes ».a-t-il dénoncé. « Il y a un risque à traverser la voie et quand on emprunte la passerelle c’est aussi un dégoût total. Pourquoi laisser les toilettes pour se soulager ici ? », s’interroge M. Nassouri.
Nous avons rencontré l’expert en urbanisme Wendpanga Achille Compaoré en vue d’en savoir davantage. Selon cet expert, l’abandon de ces équipements peut s’expliquer par deux raisons. Premièrement, cela est dû à un manque d’appropriation de l’innovation. « Lorsque l’on conçoit des passerelles, c’est pour la sécurité des population riveraines. Mais sous nos cieux, bon nombre ignorent son importance. A-t-il soutenu. Deuxièmement, ce phénomène s’explique par la facilité que recherche la population. «Certains se disent qu’il est fatigant de monter sur la passerelle et de redescendre et préfèrent prendre le risque de traverser la route. » a-t-il ajouté.
À entendre l’expert, traverser les voies au détriment des passerelles piétonnes constituent un comportement incivique. Pour venir à bout de ce phénomène, des actions de sensibilisation à l’endroit des populations sont nécessaires. « Ces infrastructures sont des innovations sous nos cieux et leur adoption nécessite un travail d’information, de communication ou même de coercition en aval » a-t-il affirmé. Cela permettrait aux populations de « connaitre leur utilité, de se les approprier et de les adopter plus facilement », a-t-il poursuivi.
Ces infrastructures, bien qu’étant rarement exploitées se trouvent dans plusieurs lieux stratégiques de la ville de Ouagadougou pour faciliter le passage des piétons. Ainsi, l’abandon de ces passerelles par les usagers est une problématique qui mérite réflexion.